Pompe à quoi ?
- Anne Amram
- il y a 6 heures
- 3 min de lecture
Nous avons tous entendu parler de travaux inutiles : autoroutes qui ne mènent nulle part, stations de métro qui n’ont jamais été mises en service, projets immobiliers qui, après la destruction des habitations, n’ont jamais vu le jour, ponts qui mènent à un champ, échangeurs qui n’échangent rien… A ce propos, quoique dans un domaine domestique, je viens de vivre une expérience ubuesque. Certains responsables nous déversent des louanges dithyrambiques à propos des mérites des séchoirs à pompe à chaleur. Merveille écoénergétique ! Naïve, je me laisse séduire par le chant des sirènes. N’étant pas un perdreau de l’année, je calcule le crédit-temps que les statistiques d’espérance de vie m’accordent. L’appareil précédent m’ayant laissé tomber après six ans seulement, je décide qu’il vaut mieux investir dans un équipement solide et fiable. Cher donc. Et surtout, je refuse d’acheter Pays du Milieu. Mes exigences en la matière se précisent : mon séchoir sera fabriqué au pays de Goethe. Habitant Jambes, je me dirige tout naturellement vers la firme qui est pour la vie, où le personnel porte une jolie livrée rouge. Comme je veux la qualité supérieure, je spécifie la marque au slogan prometteur : M.... un jour, M... toujours.
Le vendeur, très obligeant, ouvre tous les séchoirs de la marque : aucun n’est fabriqué en Prusse. Il doit y avoir erreur ! Toujours pour essayer de me satisfaire, le jeune homme consulte le site de la marque M. Le verdict se confirme. AUCUN électroménager M. n’est fabriqué chez notre voisin. Mais il trouve un séchoir fabriqué dans un pays européen qui regorge de plombiers. Je commande donc ce séchoir spécifique, malgré son prix à 4 chiffres, 30 % plus cher qu’un séchoir à condensation.
La livraison s’effectue rapidement. Ça tombe à pic, une vague de froid s’abat sur notre pays, compromettant sérieusement le séchage au jardin.
Là, c’est la débâcle. Quel désenchantement ! Mon séchoir européen, cher, pour toujours, ne sèche pas. Le tambour a tourné, ça oui, pendant près de 4 heures. Mais le linge est ressorti, mouillé et froid. Quelques essais sur d’autres programmes s’avèrent tout aussi infructueux.
Le service après-ventes dépêche un réparateur. Le diagnostic est clair : le tambour tourne, donc le séchoir fonctionne ! Le problème, c’est mon garage, situé en sous-sol, où la température n’est que de 12° ! Vous ne pouvez pas le chauffer ? Il faut 15°, Madame, pour que le séchoir écoénergétique fonctionne. Je crois rêver. Le technicien fera un rapport à sa hiérarchie. Autant dire, tintin !
Me revoilà à la firme rouge. On me conseille de chauffer le garage, mais une heure avant de mettre le séchoir en route, pour voir si le séchoir remplira son rôle. Je suis pleine de bonne volonté, je m’exécute. Je place un petit appareil de chauffage électrique juste devant la prise d’air du séchoir. Au terme de 5 heures, miracle, le linge est sec. Mais je ne peux tout de même pas faire tourner ce chauffage d’appoint très énergivore pendant 5 heures pour satisfaire à la loi de l’économie énergétique du séchoir !
Nantie de ces informations, je demande à la firme rouge une solution commerciale. La firme se tourne vers le fabricant européen. C’est avec aplomb que M. m’accuse de ne pas trier mon linge, soit de séparer le coton du synthétique. Si je résume, je trie déjà le linge en blanc et couleurs. Il faudrait qu’en plus, je trie le blanc lavé en coton et synthétique. Pour une seule lessive, je devrai faire tourner le séchoir pendant 8 heures. Elle est où, l’économie d’énergie ?
La tension monte d’un cran, ma colère est sous-jacente. Je réclame le geste commercial. Je veux qu’on m’échange le séchoir à pompe à chaleur contre un séchoir à condensation. Nouveau problème : la Commission européenne a décidé que les séchoirs à condensation ne seraient plus fabriqués à partir du 1 juillet 2025, et ne seront pus vendus à partir du 1 janvier 2026. Ceci afin de réduire considérablement la consommation d’énergie ! Peu m’en chaut ! Je veux mon séchoir à condensation.
La firme rouge a été fidèle à son slogan. Mon séchoir a été échangé, et on m’a remboursé la différence de prix.
Mais le problème reste entier. Que faire pour alerter ces législateurs, pétris de bonnes intentions, sans doute mal conseillés par des groupes de pression, et leur faire revoir leur copie ? Pour éviter que la pompe à chaleur ne devienne la pompe à arnaque.
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